Revue le philosophoire n.41 : Orient et Occident
- Livre
- Format : Revue, Journal
- Editeur : PHILOSOPHOIRE
Date de parution : 01/06/2014
1 Article disponible


Réassurance 1
Texte pouvant prendre 2 lignes


Réassurance 2
Texte pouvant prendre 2 lignes


Réassurance 3
Texte pouvant prendre 2 lignes
La division du monde, et notamment du monde intellectuel, religieux et philosophique, en deux grandes catégories - l'Orient et l'Occident - est assez pratique. Ces deux pôles évoquent à chacun deux types de culture, de vision du monde, d'esthétique, de sensibilité, etc. Il semble que l'opposition fasse sens et, en tout cas, elle permet de s'orienter facilement. N'est-il pas vrai qu'un clin d'oeil suffise pour distinguer une oeuvre d'art orientale d'une production occidentale, une pratique spirituelle orientale d'une attitude religieuse occidentale, une pensée orientale d'une philosophie occidentale ? A moins qu'il n'y ait là que des fausses évidences ? Voyons cela.Tout d'abord, il va sans dire que les cultures mésoaméricaines, andines, africaines, inuites, etc., ne rentrent dans aucune des deux catégories d'Orient et d'Occident. Même si l'on restreint l'analyse à la sphère géographique eurasiatique et méditerranéenne, bon nombre des civilisations antiques ne seraient enrôlées qu'artificiellement dans cette grande opposition : les Egyptiens, les Hittites, les Phéniciens, les Carthaginois, les Cananéens, les Hébreux, les Byzantins, etc., ne sont ni d'Orient ni d'Occident, ou bien des deux à la fois. Par ailleurs, s'il faut «faire rentrer» dans l'Occident à la fois la Grèce antique, l'Empire romain, les royaumes germaniques, la civilisation européenne, les Etats-Unis, l'Australie et la Nouvelle Zélande, il est probable que nous ayons surtout affaire à un mot-valise - pratique, encore une fois, mais peu rigoureux sur le plan scientifique. Il en va de même pour l'Orient, qui devrait rassembler des pays aussi différents que l'Inde et la Palestine, la Chine et l'Iran, le Japon et l'Arabie Saoudite... Le Japon pose un problème car il est, dit-on, « occidentalisé ». Quant au monde « arabo-musulman », il est écartelé entre l'Indonésie orientale et le Maghreb occidental. N'est-il pas artificiel de placer le Maroc en Occident et l'Egypte en Orient, alors que ces deux cultures sont manifestement plus proches l'une de l'autre aujourd'hui qu'elles ne le sont de l'Europe d'une part et de l'Asie du Sud-Est d'autre part ? Inutile de prolonger ces remarques : on voit bien que l'opposition culturelle de l'Orient et de l'Occident est simplificatrice.Sur le plan plus spécifiquement philosophique, elle ne l'est pas moins. C'est surtout l'ignorance des histoires de la philosophie indienne et chinoise qui fait penser que l'Occident aurait le monopole de la Raison, du matérialisme, du scepticisme, du conventionnalisme, de l'utilitarisme, etc. En réalité, toutes ces tendances ont existé à quelque degré et à certaines époques en Orient - comme le montrent les grands historiens orientalistes[1]. Ainsi, plutôt que d'essentialiser l'Orient et l'Occident, il serait sans doute plus judicieux d'adopter le point de vue de l'historien, c'est-à-dire de la dynamique évolutive. Quand certaines conditions historiques, sociales et économiques sont réunies, des écoles philosophiques matérialistes, positivistes et individualistes émergent, en Orient comme en Occident. Quand d'autres conditions dominent ou influencent la sphère intellectuelle, les cosmologies hylozoïstes, panpsychiques et les conceptions communautaristes et hiérarchiques de l'homme prennent le dessus - en Orient comme en Occident. Ceci étant dit, on peut se demander pourquoi les conditions d'une pensée dite «moderne» ont été plus souvent réunies en Occident qu'en Orient ; pourquoi la philosophie ne s'y est pas développée ni renouvelée dans les mêmes proportions ; pourquoi les sciences chinoise et indienne ne sont pas allées au-delà d'un certain niveau.Cette vision anti-essentialiste (parce qu'historiciste, au moins pour partie) permet aussi de mieux comprendre l'évolution récente de l'Asie. N'est-il pas à la fois ethnocentrique, naïf et insultant de prétendre que le développement économique, technique, scientifique et culturel du Japon, de la Chine, et de toute l'Asie, correspond à une « occidentalisation » ? Les savants chinois qui, demain, donneront des leçons de physique nucléaire et de biochimie à leurs collègues américains et européens, ont-ils cessé d'être orientaux le jour où ils sont devenus savants ? Les élites laïcisées des grandes métropoles d'Asie sont-elles occidentalisées du simple fait qu'elles n'ont plus de religion ? Cette vision des choses, qui donne à l'Occident le monopole de la science, de la laïcité, et finalement de la démocratie, de la République, des droits de l'homme et de la liberté individuelle, flatte trop l'orgueil des Occidentaux pour ne pas nous faire soupçonner qu'elle corresponde davantage à un désir qu'à une réalité. Un Coréen démocrate, rationnel et athée n'est pas occidental par cela-même. Il ne faut pas confondre processus historique et occidentalisation, sous prétexte que le l'Europe a connu un développement précoce par rapport aux autres régions du monde.Ces remarques ne cherchent pas à annuler toutes les différences entre Orient et Occident, mais seulement à les relativiser. Du reste, les auteurs de ce n°41 du Philosophoire ne font jouer qu'avec prudence cette grande dichotomie, lui préférant souvent des analyses plus précises et plus régionales. La dualité Orient-Occident est pertinente jusqu'à un certain point, mais elle est surtout stimulante, comme toute visée comparatiste.[1] Parmi une multitude de références, citons P. Masson-Oursel, Esquisse d'une histoire de la philosophie indienne, Paris, Geuthner, 1923 ; et A. Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Le Seuil, 1997.
Poids | 0.200000 |
---|---|
Date de parution | 2 juin 2014 |
EAN Neuf | 9782353380442 |
État | OCCASION |
Format | Revue, Journal |
Largeur | 14 cm |
Longueur | 21 cm |
Saga | Revue le philosophoire |
Éditeur | PHILOSOPHOIRE |
ISBN | 2353380441 |
Nombre de pages | 296 |